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Cloudflare rompt ses liens avec 8chan après la fusillade d'El Paso

Cloudflare a pris la décision de cesser de fournir une protection à la plateforme 8chan après la fusillade d'El Paso qui a fait 20 morts dans un centre commercial.

La fusillade qui a fait 20 morts dans un centre commercial d'El Paso, au Texas, ne cesse de devenir bruyante. Aujourd'hui, la plateforme Cloudflare a annoncé qu'elle cesserait de fournir des services à la plateforme 8Chan. L'auteur présumé, âgé de 21 ans, aurait utilisé la plateforme pour publier un long message nationaliste blanc peu avant l'attaque. Cela a contribué à attirer l’attention sur cette plateforme, devenue au fil du temps une haine des mouvements d’extrême droite. Auparavant, l'auteur du massacre de Christchurch avait également déversé sa rhétorique sur la plateforme, et le suspect d'une autre fusillade à Poway, en Californie, y avait posté une lettre antisémite et raciste.

Face à la montée en puissance de ce site qui s'affirmait chaque jour un peu plus comme un hub majeur de ces doctrines extrêmes et nauséabondes, Cloudflare a annoncé cesser de fournir son service à 8Chan. Cette société propose des services anti-DDoS, une attaque prévue pour mettre un site internet hors service.

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En fait, cette décision expose la plateforme aux attaques de nombreux militants qui souhaitent la voir fermer. Un choix justifié dans un blog récents par Matthew Prince, PDG de Cloudflare :

Le raisonnement est clair : ils se sont assurés d’être des gens sans lois ni principes, ce qui a causé de nombreuses morts tragiques. Même si 8chan n'a pas violé la loi en tant que telle en refusant de modérer sa communauté remplie de haine, ils ont créé un écosystème qui se plaît à violer leur esprit.

Cloudflare promu arbitre malgré lui

Une décision qui n'a pas été prise à la légère, selon Prince. L’entreprise était prise entre le marteau et l’enclume. D'une part, il y avait une volonté de fournir un service à un client qui n'avait pas directement violé la loi (nous rappelons que la liberté d'expression ne connaît aucune limite légale aux États-Unis), et à "tolérer à contrecœur« Contenu jugé répréhensible. Cette posture peut paraître cynique mais elle est courante car la réputation de l'entreprise dépend de la protection qu'elle offre, et l'abandon d'un client (même encombrant) peut être néfaste en termes d’image de marque.

De l’autre, il y avait la volonté de refuser de se faire l’avocat du diable en cautionnant un discours de haine qui «événements tragiques directement inspirés« . C'est finalement cette seconde considération qui a prévalu, mais le PDG ne se fait pas d'illusion : Cloudflare n'a aucun droit à la vie ou à la mort sur la plateforme, et sa décision est plus symbolique qu'autre chose. D'autant que l'entreprise n'a pas vocation à jouer le rôle de médiateur à ce niveau, comme l'a précisé Prince. "Nous continuons à nous sentir très mal à l'aise à l'idée d'agir en tant qu'arbitre de contenu et nous ne voulons pas l'utiliser souvent."

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L’éventail de la liberté d’expression sur Internet

L’entreprise souhaite tracer une ligne claire et ne pas devenir un outil de censure ou de régulation. Pour le moment, c'est 8chan qui paye cette interruption : dès la levée de la protection, le site a été mis hors service par des attaques. Mais elle devrait bientôt revenir en ligne, protégée par un concurrent Cloudflare, comme cela avait été le cas pour la plateforme néo-nazie The Daily Stormer. Ce site a également été démenti par Cloudflare en 2017. A l’époque, le PDG avait déclaré «marquer des points" en interdisant la cause nazie, mais avait regretté un "précédent néfaste où une entreprise décide de ce qui peut ou non être sur Internet" .

Cette histoire est donc la manifestation d’un problème complexe, ancré dans la vision américaine de la liberté d’expression : là-bas, tout discours – même raciste, antisémite, etc. – tombe sous l’influence de la fameuse liberté d’expression et peut pas être condamné comme en France. Ce n’est certainement pas la dernière fois que les grandes entreprises du net se retrouvent confrontées à cette problématique difficile. Il sera intéressant de voir si cela peut un jour conduire à une remise en question du côté sacré et absolu de la liberté d'expression aux États-Unis, telle qu'elle est évoquée à chaque nouvelle tuerie sur Internet.

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Mots clés: CloudflareSécurité